
Si les entreprises sont présentes au Cameroun, les produits et services venant d’Italie pêchent encore par l’absence de promotion. Pourtant, les opportunités sont grandes à la fois pour les entreprises italiennes et camerounaises.
Yaoundé, Article de Beaugas-Orain Djoyum
Les Camerounais apprécient le vin à leur table. En 2013, le Cameroun était d’ailleurs classé comme premier importateur africain des vins de Bordeaux. En revanche, sur ces mêmes tables, le vin italien figure rarement. « Vous ne trouvez pas de vins italiens au Cameroun. Vous trouvez pourtant des vins français et sud-africains dans les rayons. Or, nous avons les meilleurs vins d’Europe et même du monde ! », commente Mauro Battistella, le consul d’Italie à Douala. Ceci faute de communication sur la qualité des vins italiens. « Pour un commerçant camerounais, quand il faut choisir entre un container de vin italien qu’il vend en six mois et un container de vin français qu’il vend en deux semaines, vous comprenez que le choix est très vite fait », explique le consul.
Pour lui, la raison est toute simple. Aucune entreprise n’a l’exclusivité de vins italiens et par conséquent, aucune promotion n’est faite pour vanter le produit : « Nous avons donc besoin d’entreprises qui font des actions et du marketing pour faire connaître nos produits. » Dans la même veine, la mode italienne n’est pas assez vantée au Cameroun ; si les chemises de marques Giorgio Armani, Versace, sont bien appréciées des Camerounais, aucune entreprise n’en fait la promotion.
« Discrète, mais efficace. » C’est ainsi que l’ambassadeur d’Italie au Cameroun, Samuela Isopi, qualifie les relations économiques entre le Cameroun et l’Italie. Quelque 70 entreprises italiennes actives dans les domaines de l’exploitation forestière et de la transformation du bois – Alpicam Industries est le plus grand investisseur italien – ; des bâtiments et travaux publics ; de l’agro-industrie, de la logistique et des transports et du télé-consulting sont établies au Cameroun. Pour la plupart, rappelle Mauro Battistella, ce sont des PME qui n’ont pas de très grandes ressources et investissent généralement sur leurs seuls fonds propres. « Ces PME italiennes sont très laborieuses, évoluent en toute discrétion, mais sont présentes dans tous les secteurs. »
L’année du lait
Pourtant, il existe de nombreuses opportunités d’investissement pour les produits et services italiens au Cameroun. Comme le secteur de l’hôtellerie : « Le business est tellement rentable que je ne comprends pas pourquoi même les entreprises camerounaises n’ont pas d’hôtels 3 étoiles à Bafoussam ! Les touristes qui s’y rendent, les gens qui y vont pour les deuils et funérailles ont besoin de cadre d’hébergement et de restauration. C’est un secteur qui peut intéresser les entreprises italiennes », indique le consul d’Italie.
Dans le domaine de l’agro-industrie, les opportunités sont également nombreuses. Alamine Ousmane Mey, ministre des Finances, rappelle que le Cameroun a décrété 2016 l’« année du lait ». L’occasion de souligner qu’il est important d’augmenter la production du lait de vache et également d’assurer sa transformation pour sa mise sur le marché national et même international. Ceci afin de garantir au Cameroun davantage de ressources financières.
Alamine Ousmane Mey, qui modérait le forum économique Italie-Cameroun tenu du 17 au 20 mars 2016 à Yaoundé, n’a pas manqué d’inciter les entreprises italiennes à explorer ce segment de marché. Mauro Battistella nous confie que le marché est porteur pour les entreprises italiennes : « Je sais qu’au Cameroun, il y a un grand cheptel. Mais on ne trouve pas de lait. Avez-vous déjà bu du lait frais produit au Cameroun ? Ceux qui produisent du yaourt le font avec du lait en poudre qui vient de l’Europe. Ce n’est pas du lait camerounais. C’est un secteur où il faut investir. »
Dans le domaine de l’agro-industrie, Ferrero a déjà implanté ses racines au Cameroun. Contrairement aux autres produits italiens, Kinder Joy et les autres produits du groupe sont disponibles dans les supermarchés et sont très recherchés, notamment par les enfants. L’entreprise, qui produit les chocolats Ferrero ou encore la pâte Nutella et les petites confiseries Tic Tac, fabrique les Kinder Joy dans son usine de Yaoundé. Depuis dix ans, l’usine transforme 800 tonnes de cacao par an et emploie 200 personnes.
Grands chantiers
À leur sujet, Claudio Olivero, le responsable Afrique et Moyen-Orient du groupe, indique que « la majorité sont des femmes qui font des travaux manuels, notamment la partie de l’assemblage des jouets insérés dans Kinder Joy. Cette politique d’emploi des équipes locales s’inscrit dans le cadre de l’entreprise sociale voulue par le fondateur Michele Ferrero. Cela dans le but de combattre le chômage. La même expérience, on l’a en Afrique du Sud, en Inde avec des acteurs locaux ».
Certaines entreprises italiennes sont au coeur des grands chantiers en cours. Notamment des infrastructures sportives et des logements sociaux. Ainsi, les préparatifs pour l’organisation des compétitions continentales de football, la CAN féminine en 2016 et la CAN masculine de 2019, préoccupe les autorités publiques. Notamment en termes d’infrastructures sportives. Et, dans ce domaine, l’Italie se positionne. Le groupe italien Piccini a remporté en décembre 2015 le marché de construction du prochain stade d’Olembé baptisé « Stade Paul-Biya » qui accueillera 60 000 spectateurs. Montant du marché : 165 milliards de F.CFA (251,5 millions d’euros). Le chantier sera livré dans 30 mois, promettent les Italiens. De son côté, l’entreprise Iveco a proposé de fournir des véhicules de transport urbain de masse. Ceci en vue de transporter les supporters durant les compétitions. Le pays connaît déjà des difficultés en matière de transport urbain. Des responsables de cette société ont rencontré le ministre des Transports, Edgard Alain Mebe Ngo’o, en mars. En matière d’habitat, les Camerounais attendent avec impatience l’aboutissement du projet de construction des 10 000 logements sociaux. Ici encore, c’est un groupe italien, Pizzarotti, qui est à la manoeuvre avec Basics International, son partenaire stratégique au Cameroun. Les négociations se tiennent depuis 2012 et un accord commercial a été signé en mars entre le groupe et l’État du Cameroun pour la construction et la livraison de 1 000 logements sociaux, comme phase-pilote du programme gouvernemental de construction de loge- ments sociaux. Montant de l’investissement : 610,3 millions $. Le projet inclut la construc- tion de 61 équipements socio-collectifs, parmi lesquelles les écoles, les hôpitaux ou encore les infrastructures sportives. Paul Biya, lui, veut voir davantage les entreprises italiennes investir dans le secteur de l’agriculture, au fort potentiel, qui « doit faire l’objet d’une exploitation plus judicieuse, et d’une plus grande transformation locale », a indiqué le Président à son homologue italien Sergio Mattarella, en visite au Cameroun du 17 au 20 mars 2016.
TROIS QUESTIONS A
Claudio Olivero
Responsable Afrique et Moyen-Orient de Ferrero
Comment évaluez-vous l’expérience camerounaise, près de dix après vos premiers pas ?
L’expérience se déroule bien ; elle avait commencé il y a dix ans sur la base d’un projet d’entreprise sociale décidé par le fondateur du groupe, Michele Ferrero. Premièrement, il était question de développer des activités industrielles avec la production des produits finis. Kinder Joy est produit, vendu et exporté à partir de Yaoundé. Ces produits sont fabriqués au Cameroun pour le marché local et pour l’export dans les pays de la zone Cemac, et au Nigeria. La moitié des produits est faite pour être commercialisée au Cameroun et l’autre moitié est destinée à l’export. Deuxièmement, nous conduisons le volet transformation du cacao qui est par la suite exporté en Europe en direction des autres usines de Ferrero qui l’utilisent pour la fabrication de nos produits.
Vous achetez directement le cacao auprès des coopératives de producteurs camerounais que vous aidez à former. Comment l’achat s’effectue-t-il ?
Nous avons des experts agronomes qui viennent d’Italie. Nous avons regroupé les coopératives. Nous aidons 500 producteurs afin qu’ils obtiennent des productions de qualité. À long terme, notre action rendra la production des fèves de cacao plus viable. Notre défi, c’est de démontrer que si on travaille bien avec les coopératives, on peut parvenir à des productions rentables et de qualité supérieure. Ce projet peut se réaliser. Nos experts nous disent que la qualité de la production au Ghana et en Côte d’Ivoire est meilleure. Mais le projet au Cameroun est d’aider les agriculteurs à avoir un produit de meilleure qualité !
Dans le projet de relance de la filière cacao au Cameroun, quel est l’aspect qui vous intéresse le plus ? La qualité ! Les coûts d’achats ou d’export des fèves de cacao sont très importants. Mais la première chose à prendre en compte, c’est la qualité. Cela ne sert à rien d’avoir des coûts bas avec une qualité moindre. Le groupe Ferrero est mondialement réputé pour ses produits de haute qualité. Et on fabrique des produits de qualité avec des matières premières de qualité !